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Gilets jaunes : Emmanuel Macron cède sur le Smic et la CSG pour éteindre la crise

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Reuters
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10 déc. 2018

Emmanuel Macron a annoncé lundi des mesures chiffrées entre 8 et 10 milliards d’euros pour tenter d’éteindre la crise des « gilets jaunes », dont la hausse de la rémunération des salariés payés au Smic et la suppression de la hausse de la CSG d’une partie des retraités, dans l’espoir de relancer un quinquennat ébranlé.


Photo prise le 12 novembre 2018 - REUTERS/Ludovic Marin


« C’est d’abord l’état d’urgence économique et sociale que je veux décréter aujourd’hui », a déclaré le chef de l’Etat en expliquant qu’il voulait par ces mesures « qu’on puisse vivre mieux de son travail dès le début de l’année prochaine ».

Après trois semaines d’une crise qui a paralysé l’action de l’exécutif et affecté l’économie, le président a choisi de financer ces concessions aux citoyens en colère par des moyens publics, l’augmentation de 100 euros de la rémunération au niveau du Smic n’étant pas assumée par les entreprises.

Lors d’une déclaration télévisée à 20h, il n’a rien dit de l’impact de ces mesures sur la trajectoire budgétaire de la France, déjà mise à mal par les précédentes annonces, laissant planer le doute sur le respect de la limite européenne d’un déficit public inférieur à 3 % du produit intérieur brut.

Son entourage a assuré que son objectif de maîtrise de la dépense publique n’était pas remis en question et que l’objectif initial de déficit public pour 2019 hors CICE laissait « un peu de marge » pour la construction du budget.

Le secrétaire d’Etat Olivier Dussopt a de son côté indiqué que les mesures annoncées lundi représentaient un coût de 8 à 10 milliards d’euros pour les finances publiques, en plus des quatre milliards déjà consentis lors du renoncement à la hausse de la fiscalité écologique sur les carburants.

« Je prends ma part de responsabilité »

Emmanuel Macron n’a pas sacrifié son choix de protéger la compétitivité des entreprises pour favoriser l’emploi, ni celui de favoriser les détenteurs de capitaux, en renonçant à revenir sur sa réforme de l’ISF décriée par nombre d’opposants.

Alors que sa personne est mise en cause par les manifestants, qui l’accusent de prendre les citoyens de haut, il a fait un mea culpa en son nom et celui du gouvernement.

Le malaise qui éclate, « sans doute n’avons-nous pas su depuis un an et demi y apporter une réponse suffisamment rapide et forte », a-t-il dit. « Je prends ma part de cette responsabilité, il a pu m’arriver de vous donner le sentiment que ce n’était pas mon souci, que j’avais d’autres priorités. Je sais aussi qu’il m’est arrivé de blesser certains d’entre vous par mes propos. »

Emmanuel Macron, qui ne s’était pas exprimé publiquement depuis son retour du sommet du G20 le 2 décembre, avait tenté dans la matinée de mobiliser des représentants politiques, économiques et sociaux qu’il a reçus pendant plus de quatre heures à l’Elysée.

Selon plusieurs participants, le chef de l’Etat a montré qu’il avait pris conscience de la nécessité de travailler davantage avec les corps intermédiaires, en particulier les organisations syndicales et patronales.

« Il nous a donné rendez-vous assez rapidement pour prendre un certain nombre de mesures de court terme et de moyen terme », avait précisé le président de l’Union des employeurs de l’économie sociale et solidaire (Udes), Hugues Vidor.

Nouvel appel à manifester samedi

Les dirigeants patronaux l’ont alerté sur les difficultés des entreprises frappées par la crise et demandé qu’elles ne soient pas mises à contribution pour financer de nouveaux gestes.

Sans attendre la déclaration d’Emmanuel Macron, un nouvel appel à la mobilisation des « gilets jaunes », intitulé « Acte 5 Résistance », avait été lancé pour samedi prochain.

L’opposition a, dans l’ensemble, jugé qu’il y avait des avancées mais qu’elles étaient insuffisantes, certains, comme le dirigeant de La France insoumise Jean-Luc Mélenchon parlant de « distribution de monnaie ».

La réponse à la crise des « gilets jaunes » s’est changée en casse-tête budgétaire pour l’exécutif. Les concessions déjà consenties la semaine dernière sur la taxe carbone et l’avantage fiscal sur le gazole non routier pour les entreprises vont se traduire par un manque à gagner de quatre milliards d’euros, soit 0,2 point de PIB.

Les répercussions du mouvement - qu’il s’agisse des blocages ou des violences qui l’ont émaillé - devraient encore compliquer la donne, en pénalisant la croissance de la fin d’année 2018.

Le ministre de l’Economie et des Finances, Bruno Le Maire, a estimé lundi que la croissance du quatrième trimestre serait pénalisée à hauteur de 0,1 point, tandis que sa secrétaire d’Etat Agnès Pannier-Runacher a évoqué une croissance « plutôt du côté de 1,5 % » pour l’ensemble de l’année 2018.

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