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Paul Kaplan
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19 janv. 2020
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Pour sa collection masculine, Hermès se radicalise en toute subtilité

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Paul Kaplan
Publié le
19 janv. 2020

La dernière collection masculine d'Hermès s'intitulait "Radical" — et c'était le cas, mais en toute subtilité. Véronique Nichanian, la directrice artistique de la maison, forte de sa grande expérience, s'est concentrée sur l'ADN d'Hermès — celui d'une modernité élégante et discrète — tout en sélectionnant quelques détails impeccables pour mettre sur pied une collection exceptionnelle.


Hermes - Fall-Winter2020 - Menswear - Paris - © PixelFormula



Parmi ses astuces créatives : des bandes de tissus intérieurs contrastés apparaissant sur l'extérieur des vêtements — du daim, du cuir, du nylon sur le bord de manteaux à cols montants, des trench-coats et des vestes — qui ajoutaient une vibration à la silhouette. Moins assumée, l'idée aurait pu être gênante, mais Véronique Nichanian a su en faire un élément attirant, chic et contemporain.

Cette saison, chez Hermès, le pantalon est ajusté et coupé à la cheville, resserré à l'aide de petites pattes horizontales, qu'on retrouvait sur le pantalon d'un costume à rayures craie coupé dans un cachemire déperlant, ainsi que sur un pantalon en daim.

Sur le finale, on a été frappé par l'élégance sereine qui se dégageait de ces costumes "Entente Cordiale" — comme la rencontre de Savile Row et de Saint-Germain-des--Prés —, eux aussi garnis des fameuses bandes dont on parlait plus haut.
 
"Un champ chromatique en clair-obscur", explique Véronique Nichanian à propos de sa palette discrète de tons écrus, minéraux, terreux, verts et sépia.

La créatrice a reçu des applaudissements bien mérités, par un public perché sur une série de chaises modernistes, dans les archives d'une institution française toute particulière — le Mobilier National. Un gigantesque bâtiment du XIIIe arrondissement, qui servait à stocker du mobilier de qualité pour les bureaux des ministres et des ambassades.
 
Pendant le défilé, des manifestants se sont regroupés devant l'entrée du bâtiment. Des membres de la Confédération Générale du Travail (CGT), d'humeur plus joyeuse que les Gilets Jaunes — dont certains brûlaient des voitures au même moment, près de la place de la Bastille. Tout en agitant de grands drapeaux rouges, les manifestants ont entonné une chanson sur la protection du Mobilier National. "Nous n'avons rien contre Hermès, mais nous voulons défendre cette organisation", expliquait l'un des syndicalistes en distribuant des tracts rédigés en français et en anglais.

A l'intérieur, les invités — dont la star du football américain Brice Butler, le wide receiver des Dallas Cowboys — se sont vus offrir du champagne et du Chassagne-Montrachet, ainsi que des boulettes de foie gras sur de petites frites. Soulignant l'éternelle contradiction qu'est Paris, capitale du luxe et dernière ville d'une démocratie occidentale où luttent encore les fervents défenseurs du prolétariat.


Hermès - Automne-Hiver 2020 - Prêt-à-porter masculin - Paris - Photo: FashionNetwork.com / Godfrey Deeny


Ces considérations mises à part, cette collection était un véritable énoncé de mode sur le style de la maison, parfaitement calibré par une créatrice visiblement en pleine forme.

Au cours des dix dernières années, l'action Hermès a connu le succès le plus écrasant de toutes les marques de luxe cotées en bourse. Sa capitalisation boursière a même atteint près de dix fois son chiffre d'affaires annuel, ce qui constitue une marque de confiance étonnante dans l'entreprise et son avenir.

Hermès le doit en grande partie à Véronique Nichanian, qui réussit à maintenir l'équilibre délicat entre la création de vêtements chics et réalistes, et le travail sur les codes de la marque.

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